Précis de grammaire alsacienne

 

Les notions de grammaire vous sont données pour vous aider à comprendre et à vous exprimer. Tout au long du livre et à chaque leçon, des notes vous apportent des précisions et explications ponctuelles tandis que les leçons de révision présentent les règles de façon plus systématique. Plutôt que de tout reproduire ci-dessous nous vous inviterons souvent à consulter lesdites notes en vous donnant les références nécessaires. Dans le présent chapitre nous nous efforçons de répondre aux questions que vous vous poserez. Car notre préoccupation comme la vôtre est avant tout pratique. Consultez-le abondamment. Mais n'oubliez pas de le lire lentement. Car ces notions sont faites pour être comprises, non pour être apprises. Les savoir par cœur ne vous servirait à rien.

 

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Pour parler, l’on utilise des phrases. Chaque phrase permet d'exprimer une idée, constatation - affirmative ou négative - interrogation (question) où injonction (ordre ou demande voire supplique).

 

La phrase simple

 

La phrase simple ou proposition indépendante est l'unité d'expression par excellence. Sa structure fondamentale est la suivante : on nomme un être, un objet ou une notion, sous la forme d'un groupe nominal, et on dit ce qu'il fait, ce qu'il subit, comment il est, etc. à l'aide d'un groupe verbal.

 

1.    Un groupe nominal

 sert à nommer un être – a kleina Kàtz (un petit chat) -, un objet – da runda Tìsch (cette table ronde) ou une notion – dina Gsundheit (ta santé). Il a souvent pour noyau un nom ou substantifKàtz, Tìsch - lequel peut être accompagné d'un articlea … - ou d'un adjectif tenant lieu d'article – da, dina … -, d’un adjectif qualificatifkleina, runda …-, parfois de plusieurs, mais aussi d'un complément du nom et même d'une proposition subordonnée relative. Fréquemment, un simple pronom tient lieu, à lui tout seul, de groupe nominal.

 

 

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1.1        Les noms

 - encore appelés substantifs - peuvent être de deux sortes : les noms propres et les noms communs.

 

1.1.1        Les noms propres

 désignent un être où objet précis identifié une fois pour toutes : Seppala (Jojo), Stroßburg… Il est utile, pour vous, de distinguer parmi eux :

1.1.1.1         Les noms propres de personnes, animaux, œuvres,

 etc., qui sont précédés de l'article défini – dr Seppala - sauf dans deux cas : quand on s'adresse à la personne – Fernand ! - ou que le nom est utilisé comme attribut avec le verbe heißa (s'appeler) : Ìch heiß Odile (Je m'appelle Odile). Les titres sont assimilables aux noms propres : d Màdàm Fuchs, dr Dokter Wolf (voir leçon 8, note 4).

 

1.1.1.2         Les noms propres géographiques –

 localités, villes et villages, pays et continents - sont généralement employés sans article, sauf pour l’Alsace elle-même – s Elsàss -, ses pays limitrophes – s Frànkrìch (la France), s Ditschlànd (l'Allemagne), d Schwitz (la Suisse) - et les noms de cours d'eau, de mers, de lacs, de montagnes, etc : dr Rhii (le Rhin), dr Großa Belcha (le Grand Ballon) (voir leçon 10, note 5, et leçon 21, N.6).

 

1.1.2        Les noms communs

 évoquent des catégories d'êtres, d'objets ou de notions : Fràui (femme), Hüss (maison), Àngscht (peur). Ils commencent par une majuscule. Chacun d'entre eux a un genre, un nombre et un cas grammaticaux.

 

1.1.2.1         Le genre

 fait partie du nom, qui est masculin, féminin ou neutre. Il convient de mémoriser tout nom avec son genre, ce qui n'est possible qu'en le faisant précéder de son article défini (voir ci-dessous 1.2.1.2).

 

 

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1.1.2.2         Par nombre,

 on entend la distinction entre le singulier et le pluriel. Pour chaque nom, il existe une manière précise de former le pluriel :

-          suffixe : Fràui (femme) / Fràuia (femmes),

-          métaphonie (changement de la voyelle accentuée) : Wàga (voiture) / Waga (voitures),

-          métaphonie et suffixe : Mànn (homme) / Manner (hommes),

-          rien (aucune différence au nom) : Blüema (fleur) / Blüema (fleurs), (voir leçon 5, note 5, leçon 10, note 6 et leçon 77, N.2).

 

1.1.2.3         Le cas

 sert, en principe, à indiquer le rôle du nom dans la phrase, sa fonction. Il s'agit du nominatif (cas du sujet et de l’attribut), de l'accusatif (cas du complément d'objet dit « direct » en français), du datif (cas du complément d'attribution) et du génitif (cas du complément du nom mais très rare en alsacien, voir leçon 31, note 4, leçon 28, N.2, et leçon 42, N.3).

 

1.1.2.4         Les noms composés

 sont très fréquents ; ce sont des noms devant lesquels on « colle » une précision : Màntel (manteau), Ragamàntel (imperméable, mot à mot pluie-manteau).

 

1.1.2.5         Les noms dérivés

 comportent un suffixe qui en modifie le sens : Büech (livre), Biachla (livret) ou Büür (paysan), Birena (paysanne), (voir leçon 3, note 2, et leçon 11, note 5)

 

1.1.2.6         Les noms issus de substantivations :

il s'agit de verbes ou d’adjectifs précédés d'un article et désignant des êtres ou des concepts ; à ce titre, ils sont dotés d'une majuscule.

 

1.1.2.6.1        Les noms d'origine verbale

 peuvent être des infinitifs ou des participes dits « passés » :

1.1.2.6.1.1       Les infinitifs substantivés

 sont tous neutres : s Assa (nourriture, repas), s Lawa (la vie) (voir leçon 48, note 8).

1.1.2.6.1.2       Les participes substantivés

 se comportent exactement comme les adjectifs substantivés (voir 1.1.2.6.2. ci-après) : a Gfàngener (un prisonnier), a Gstudiarter (un savant).

 

1.1.2.6.2        Les noms d'origine adjectivale

 ou adjectifs substantivés sont précédés :

-          soit d'un article, définidr Jung (le gamin), s Junga (la gamine) - ou indéfinia Junger (un gamin), a Jungs (une gamine). Sa « terminaison » est alors la même que celle d'un adjectif épithète (voir leçon 70, N.1), sauf au neutre, où le -s que nous appellerons « colmarien » ne saurait manquer : a Jungs.

 

-          soit de ebbis (quelque chose de…), nichs ou nit (rien de…), ebber (quelqu’un de…) ou encore niama (personne de…), auquel cas il prend le suffixe -s : ebbis Bessers (quelque chose de meilleur ou : quelqu'un de bien situé), nichs Nèis (rien de neuf…) (voir leçon 11, phrase 5, et leçon 18, note 4…).

 

 

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1.2        L'article et les autres déterminants

 (adjectifs pouvant tenir lieu d'articles) sont chargés d'indiquer non seulement le genre inhérent au nom, mais aussi quel est, dans la phrase, son nombre, son cas et sa définitude (défini ou non ?).

 

1.2.1        L'article

 proprement dit est un petit mot placé devant le nom, dont le seul rôle consiste à apporter des précisions grammaticales, ce qui est loin d'être purement formel, puisque qui dit « grammaire » dit aussi « signification » (voir leçon 7, N.3, et leçon 35, N.3).

Les types d'articles sont au nombre de deux, l’indéfini et le défini.

 

1.2.1.1         L'article indéfini

 s’emploie devant les noms qui désignent un être, un objet etc., dont on pense que l'interlocuteur n'est pas (encore) en mesure de l’identifier : a Zug (un train… mais lequel ?).

 

1.2.1.2         L’article défini

 est utilisé lorsque l'interlocuteur est censé savoir de qui ou de quoi il s'agit précisément : dr Tìsch (la table, celle dont il vient d'être question ou que nous avons sous les yeux).

 

1.2.1.3         Les rôles de l'article :

 outre le fait de faire d'emblée la distinction ci-dessus, l'article indique également le genre (1.1.2.1), le nombre (1.1.2.2) et le cas (1.1.2.3) du nom qu’il précède (voir leçon 28, N.2, et leçon 49, N.3).

 

1.2.2        Les déterminants

 (adjectifs à fonction d'articles). Il n'est pas rare que d'autres mots se substituent à l'article, apportant les mêmes précisions que lui, mais aussi un supplément d'information qui leur est propre. Ce sont :

 

1.2.2.1         Les adjectifs démonstratifs,

 dont on peut dire qu'ils « montrent (verbalement) du doigt » l’être, l'objet, etc. désigné par le nom. Ils le qualifient de proche ou de lointain, que ce soit dans l'espace ou dans le texte : dia Wìrtschàft do (cette auberge-ci) /salla Wìrtschàft därta (cette auberge-là ou là-bas). Cette nuance est plus nettement marquée en alsacien qu'en français contemporain (voir leçon 63, N.2).

 

 

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1.2.2.2         Les adjectifs possessifs,

 qui indiquent une relation - fréquemment d'appartenance, mais pas forcément – existant entre l'être, objet, etc. désigné par le nom et les personnes impliquées dans la conversation (1ère et 2e personnes) ou non (3e personne) : mi Vàter (mon père), dina Müeter (ta mère), sina Tochter (sa fille à lui), ìhra Suhn (son fils à elle) (voir leçon 49, N.2).

 

1.2.2.3         Les adjectifs interrogatifs,

 qui, au début d'une question, signalent que l'on est en quête d'un renseignement sur l'identité d'un être etc. – weller Beck ? (quel boulanger ?) - ou sur le type d'objet – wàs fer a Weckla ? (quel genre de petit pain ?) (voir leçon 64, note 6 et leçon 65, note 3).

 

1.2.2.4         Les adjectifs de quantité

 (souvent dits « indéfinis ») sont soit imprécis soit précis.

 

1.2.2.4.1        Les adjectifs de quantité imprécis,

 vrais adjectifs indéfinis, sont soit au singulier, comme a manger… (maint…), qui s'accorde en genre, soit au pluriel, comme wenig(peu de…), a pààr(quelques…), mehrera(plusieurs), viel(beaucoup de), a Hüffa(un tas de…). Notons que wenig, viel et a Hüffa s'emploient au singulier devant les noms de matière : viel Sàlz (beaucoup de sel).

 

1.2.2.4.2        Les adjectifs de quantité précis

 sont de deux types :

 

1.2.2.4.2.1       Les adjectifs numéraux cardinaux,

 de ei – tonique – ou a - atone -, l’article indéfini (un), a tàuisig (mille) et bien au-delà. Précis au plan numérique, ils sont pourtant indéfinis, puisqu'ils ne permettent pas d'identifier les êtres, objets, etc. comptés – drèi Monet (trois mois… oui, mais lesquels ?) (voir leçon 14, N.1, et leçon 28, N.1).

 

1.2.2.4.2.2       L’article négatif – atone

 – ou kei – tonique – (aucun, pas de …) et àlla (tous), qui sont non seulement précis numériquement, mais également définis, puisqu'il s'agit de tout ou de rien – Litt (pas de gens), àlla Menscha (tous les humains) : dans les deux cas, on sait qui en fait partie (voir leçon 12, note 6). Ici, il convient d'ajouter les adjectifs numéraux ordinaux : àm zweita Tàg (le deuxième jour), ìn dr zehnta Reiha (dans la dixième rangée). Ils ne désignent à chaque fois qu'un seul être (sauf en cas d'ex aequo !, où l'article se met au pluriel), mais l'identifie du même coup (voir leçon 14, N.1).

 

 

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1.3        L’adjectif qualificatif

 complète la signification du nom (voir leçon 70, N.1).

 

1.3.1        Les degrés

 de l’adjectif sont des formes permettant de préciser l'intensité de la « qualité » et de comparer celle-ci à celles d'autres êtres ou objets similaires.

 

1.3.1.1         Le positif

 est la forme de base de l'adjectif : siaß (sucré, doux), groß (grand).

 

1.3.1.2         Le comparatif

 permet d'exprimer l'égalité, la supériorité ou l'infériorité de la qualité.

 

1.3.1.2.1        Le comparatif d'égalité

 a recours au positif (1.3.1.1), que l'on fait précéder de a-so (aussi, autant) – a-so groß (aussi grand) - parfois renforcé par un adverbe, gràd (justement) ou exàkt (exactement) : exàkt a-so àlt (exactement du même âge).

 

1.3.1.2.2        Le comparatif de supériorité

 utilise le suffixe -er (plus) – siaßer (plus sucré) -, souvent avec inflexion de la voyelle du radical : greeßer (plus grand), älter (plus âgé). Tout comme en français, quelques adjectifs ont des comparatifs irréguliers : güet (bon) / besser (meilleur) (voir leçon 17, note 4, leçon 19, note 7, et leçon 25, note 6).

 

 

1.3.1.2.3        Le comparatif d'infériorité

 se contente de nier l'égalité grâce à nìt (ne … pas) – nìt a-so zittig (pas aussi mûr) -, ce qui devrait logiquement être ambigu dans les deux langues. Mais l'usage a tranché en faveur de l'infériorité (voir leçon 10, note 3).

 

1.3.1.2.4        Le complément du comparatif

 est le même pour les trois. Il est introduit par às (que) : Sa ìsch a-so natt às , (Elle est aussi jolie que toi,) àwer bìsch viel scheener às ìch. (mais toi, tu es bien plus belle / beau que moi.) (voir leçon 31, note 5).

 

 

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1.3.1.3         Le superlatif

 marque le degré extrême de la qualité… ou du défaut.

 

1.3.1.3.1        Le superlatif absolu

 intensifie, mais ne compare pas. Il utilise sehr (très) ou gànz (tout) : Mina Àrwet ìsch sehr schwar (Mon travail est très difficile), un Ìch bìn gànz dumm (et je suis tout bête).

 

1.3.1.3.2        Il existe un « superlatif lexical »,

 qui ne relève pas vraiment de la grammaire, mais joue un rôle similaire : c'est une manière très imagée d'exprimer le degré suprême. Il suffit de confectionner un adjectif composé évocateur : Is-kàlt (très froid mot à mot : glace-froid) Fiir-rot (rouge vif mot à mot : feu-rouge), Kohla-schwàrz (noir profond mot à mot : charbon-noir), Schnee-wiss (blanc comme neige), Gràs-grian (vert criard mot à mot : herbe-vert), Hüss-hoch (très haut mot à mot : maison-haut), gulda-gaal (jaune vif mot à mot : d’or-jaune). Notons que ces composés sont largement « lexicalisés », c'est à dire figés par l'usage, s’écrivant en réalité en un seul mot et commençant par une minuscule, puisqu'il s'agit d'adjectifs : iskàlt, fiirrot, etc. Ils ne sont pas sans évoquer ceux en heiter- (clair) et dunkel- (foncé) (voir leçon 17, note 2).

 

1.3.1.3.3        Le superlatif relatif

 est, lui, parfaitement grammatical. On emploie l'article défini - pour raison d'identification - et on ajoute le suffixe -scht à l'adjectif : dr heechschta Barg (la plus haute montagne) (voir leçon 18, note 3).

 

1.3.1.3.4        Le superlatif adverbial

 (en àm + superlatif en -scht) s'emploie surtout comme attribut (voir ci-dessous 1.3.2.1 et 2.2.2.1) ; sa forme est celle que voici : Da Barg ìsch àm heechschta. (Cette montagne est la plus haute.) (voir leçon 36, note 4).

 

1.3.1.3.5        Le complément du superlatif relatif

 s'introduit grâce à la préposition vu (de, d’entre) : dr heechschta Barg vu àlla (la plus haute montagne de toutes).

 

1.3.2        Les fonctions de l’adjectif

 sont essentiellement au nombre de deux, attribut et épithète.

 

1.3.2.1         L’adjectif attribut

 ne fait pas partie du groupe nominal. Nous ne devrions donc pas en traiter ici. Nous le faisons par commodité. Car si l'attribut exprime bien une qualité du nom, c'est par l'intermédiaire d'un verbe comme sìì (être), wara (devenir), bliiwa (rester), schiina (paraître)… : Da bìsch miad (Tu es fatigué(e)).

 

 

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1.3.2.1.1        La place de l’attribut

 n'étant pas au sein du groupe nominal, on le trouve généralement après le verbe à mode personnel (qui est, lui, en seconde position) et souvent à la fin. Si l'attribut se trouve en tête de phrase, il occupe la première place à lui tout seul, car il compte comme élément à part entière (voir leçon 14, N.3) ; en outre, dans cette position inhabituelle, il est fortement accentué pour raison d'insistance (voir leçon 37, note 3 et leçon 51, note 10).

 

 

1.3.2.1.2        La forme de l’attribut

 ne pose jamais problème, car il est invariable, ce qui veut dire qu'il ne s'accorde en rien, contrairement à ce qui se passe en français. Pour cette raison, on le considère souvent comme un adverbe - mot invariable par excellence -, ce qui est d'autant moins surprenant que beaucoup d’adjectifs peuvent aussi être adverbes sans changer de forme : güet signifie bon au bien selon le contexte (voir leçon 22, note 5).

 

 

1.3.2.2         L’adjectif épithète

 fait partie du groupe nominal.

 

1.3.2.2.1        Sa place

 est entre l'article (ou autre déterminant : 1.2.2) et le nom : a nèia Kucha (une cuisine neuve). Il peut même y en avoir deux et davantage : a scheena nèia Kucha (une belle cuisine neuve). Cet exemple nous montre que la place de l'adjectif épithète n'est pas fixe en français, en alsacien, si.

 

1.3.2.2.2        La forme

 de l'épithète varie également. C'est ce qu'on appelle sa déclinaison. En pratique, l’épithète est le plus souvent pourvu du suffixe -a, quelquefois de -er et d'autres fois encore de rien (suffixe « zéro »). Cela dépend de l'article - défini où indéfini - et aussi du genre, du nombre et du cas du substantif (voir toutes les précisions à la leçon 70, N.1)

 

 

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1.4        Le complément du nom

 remplit une fonction similaire à celle de l'épithète : apporter un complément d'information sur l'être, l'objet ou la notion que désigne le nom noyau du groupe, assez souvent une relation d'appartenance. Il s'agit d'un autre groupe nominal imbriqué dans le premier, de nos jours normalement après le nom lui-même.

 

1.4.1        Les êtres inanimés :

 Quand le nom du groupe complément du nom ainsi rajouté désigne une chose ou une notion, bref, un « être inanimé », le lien avec le nom qui précède est exprimé par une simple préposition, le plus souvent vu (de) : dr Stolla vum Stüehl, le pied de la chaise ; mais pas toujours. L'alsacien aime bien donner des précisions de lieu, de temps ou autres : d Làmpa ìm Büro (la lampe du [dans le] bureau), s Assa àm Sunntig (le repas de [au] dimanche), a Briaf üs Àmerikà (une lettre d'Amérique [issue de]) (voir leçon 26, note 1).

 

1.4.2        Les êtres animés :

 Quand on veut exprimer l'appartenance à un être vivant, humain ou autre, on peut également utiliser vu, bien entendu (voir 1.4.1), mais il est plus idiomatique recourir à une construction souvent appelée « génitif bavarois ». En voici la recette : prenez le nom désignant le « possesseur », avec son article défini (puisqu'il est identifié), que vous mettez au datif, car vous allez placer la préposition ìn (à) devant l'ensemble ; vous obtiendrez donc, selon le genre et le nombre ìm Pàpa (masculin : au papa), ìn dr Màmma (féminin : à la maman), ìm Kìnd (neutre : à l'enfant) ou ìn da Litt (pluriel : aux gens). Prenez maintenant le nom à préciser - respectivement dr Kéttel (la veste), dr Rock (la robe), dr Màntel (le manteau) ou d Sorga (les soucis) - et affectez-le de l'adjectif possessif accordé avec le « possesseur » : si, sina (son, sa, ses, pour le masculin et le neutre), ìhra (son, sa, ses, leur, leurs, pour le féminin et le pluriel). Enfin, mettez le tout à la queue leu leu et voici le résultat : ìm Pàpa si Kéttel (la veste de papa, mot à mot : au papa sa veste), ìn dr Màma ìhra Rock (la robe de maman, mot à mot : à la maman sa robe), ìm Kìnd si Màntel (le manteau de l'enfant, mot à mot : à l'enfant son manteau), ìn da Litt ìhra Sorga (les soucis des gens, mot à mot : aux gens leurs soucis) (voir leçon 77, N.3).

 

 

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1.5        La proposition subordonnée relative

 a également pour rôle de compléter un nom, dont on dit que c'est son antécédent dans la proposition principale. Seulement, avec elle, nous quitterions le domaine de la phrase simple ou proposition indépendante. Nous les évoquerons donc plus loin au début du chapitre consacré à la phrase complexe (voir ci-dessous, 4.1).

 

 

1.6        Les pronoms

 tiennent lieu de groupes nominaux, à eux tout seuls. Comme eux, ils comptent comme éléments de la phrase (voir leçon 14, N.3) et peuvent remplir les fonctions de sujet, de complément d'objet, etc. (voir leçon 12, note 2, et leçon 14, N.2).

 

 

1.6.1        Les pronoms personnels

 désignent directement soit le locuteur (1e personne), soit l'interlocuteur (2e personne) soit encore tout le reste (3e personne) (voir leçon 14, N.2, leçon 22, note 8, leçon 23, note 3, et leçon 56, N.1). Chaque pronom personnel a une forme tonique, insistante - (toi, tu …) – et une forme atone, courante – da (tu …). Après un verbe ou une subjonction, le pronom personnel est enclitique, c’est-à-dire se prononce comme s'il faisait partie du mot qui le précède : nous l’indiquons par un trait d'union : Wàs hàt-sa gsait, wu sa-di gsah hàt ? (Qu’a-t-elle dit quand elle t'a vu ?).

 

 

1.6.2        Les pronoms démonstratifs

 sont strictement identiques aux adjectifs démonstratifs (1.2.2.1). Ainsi da équivaut aussi bien à ce … ci, adjectif, qu’à celui-ci, pronom. Et salla peut désigner cette … là-bas et celle-là. La seule différence est que les adjectifs se trouvent en début de groupe nominal et que les pronoms remplacent un tel groupe (voir leçon 63, N.2).

 

1.6.3        Les pronoms possessifs

 ressemblent beaucoup aux adjectifs possessifs (voir 1.2.2.1, et leçon 49, N.2). Seuls changent le masculin et le neutre - forcément au singulier -, au nominatif et à l'accusatif, deux cas dont les formes sont identiques :

 

 

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masculin

neutre

adjectif

pronom

adjectif

pronom

mi Vàter

miner
(le mien)

mi Kìnd

mins
(le mien)

di Vàter

diner
(le tien)

di Kìnd

dins
(le tien)

si Vàter

siner
(le sien à lui)

si Kìnd

sins
(le sien à lui)

ìhra Vàter

ìhrer
(le sien à elle)

ìhra Kìnd

ìhres
(le sien à elle)

unser Vàter

unsrer
(le nôtre)

unser Kìnd

unsers
(le nôtre)

èier Vàter

èirer
(le vôtre)

èier Kìnd

èiers
(le vôtre)

ìhra Vàter

ìhrer
(le leur)

ìhra Kìnd

ìhres
(le leur)

 

 

 

 

1.6.4        Les pronoms interrogatifs

 sont très proches des adjectifs interrogatifs : au lieu d'avoir : wèller... ? (quel... ? ) / wella... ? (quelle... ? ) / wèll... ? (quel... ?, neutre), on a, en pronom : weller ? (lequel ? ) / wella ? (laquelle ? ) / wells ? (lequel ? , neutre).

Quant à l'interrogation sur le type de ..., wàs fer a... ? (quelle sorte de... ? ) pour les trois genres, cède la place à wàs fer einer ? / wàs fer eina ? / wàs fer eins ?, pas vraiment traduisibles en français (un de quel genre? / une de quel genre ?) (voir leçon 64, note 6 et leçon 65, note 3).

 

 

1.6.5        Les pronoms indéfinis

 sont, pour la plupart d'entre eux, identiques aux objectifs de quantité ou « indéfinis » (1.2.2.4). Seuls changent ei (un) et kei (aucun) toniques (car a et atones ne sauraient être pronoms), devenant respectivement : einer (l'un), eina (l'une), eins (l'un, neutre) et keiner (aucun), keina (aucune), keins (aucun, neutre).

Les nombres cardinaux peuvent s'utiliser pronominalement sans changement. Quant aux nombres ordinaux, ils peuvent être substantivés (transformés en noms) en les faisant précéder d'un article défini et les affectant d'une majuscule : dr Erscht (le premier), d Fìmfta (la cinquième), s Hundertschta etc. Notez encore qu’ils ne prennent pas de -a final au masculin, mais en possèdent un au féminin et au neutre, ainsi qu’au pluriel (à condition qu’ex-aequo il y ait !)

 

 

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2         Un groupe verbal

 a pour rôle de préciser ce que fait l'être, l'objet ou la notion qu'évoque le groupe nominal de la phrase, ce qui lui arrive, comment il est, etc. Ce groupe est constitué d'un verbe - en une ou plusieurs parties fréquemment éloignées les unes des autres - et, accessoirement, d’adverbes, d'autres groupes nominaux souvent introduits par des prépositions (groupes prépositionnels) et même d'autres propositions, subordonnées, celles-là.

 

 

2.1        Les éléments verbaux

 du groupe sont de complexité variable, pouvant aller du simple verbe en un seul mot au groupe de plusieurs constituants verbaux.

 

2.1.1        Les éléments verbaux simples

 peuvent, à leur tour, être subdivisés en verbes simples, réduits au seul radical, et verbes à préfixe (encore dits « préverbes ») :

 

2.1.1.1         Les verbes simples

 peuvent l'être à deux titres. D'une part, ils n'ont que le radical, tout au plus muni des désinences (terminaisons) exigées par leur accord avec le sujet grammatical de la phrase : ìch màch (je fais), da màchsch (tu fais), ar màcht (il fait), mìr màcha (nous faisons)… D'autre part, ces verbes sont à un temps simple, indicatif présent, subjonctif (du discours indirect) où impératif, car tous les autres modes et temps sont composés, à l'exception de quelques verbes ayant conservé des formes simples et spécifiques de conditionnel (voir leçon 63, N.1d). Bien entendu, les verbes dits simples s'emploient également aux « temps » composés (voir ci-dessous).

 

 

2.1.1.2         Les verbes à préfixes

 (ou préverbes), légèrement plus complexes, ont des comportements différents selon que le préfixe est atone, donc fixe, ou tonique, donc détachable.

 

2.1.1.2.1        Les préfixes atones

 (be-, bi-, emp-, ìwer-, g-, ver-) ne modifient en rien le comportement du verbe, du moins aux temps simples évoqués ci-dessus (2.1.1.1), si ce n'est qu'il ne sauraient être accentués sur la première syllabe : bewundera (admirer), bikumma (recevoir), ìwertriiwa (exagérer)…

 

 

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2.1.1.2.2        les préfixes toniques

 (à-, àb-, àna-, àwa-, dràà-, dura-, awag-, ferig-, furt-, i-, noh-, uf-, uffa-, um-, umma-, üs-, üssa-, vor-, zruck-, züe-) - pour ne citer que les plus caractéristiques de ceux utilisés dans la présente méthode (voir les verbes correspondants dans la Liste des verbes figurant en annexe) - ne restent unis au radical que lorsque celui-ci est à la fin de la proposition, donc au participe passé (pour les seuls verbes ne prenant pas l'augment g- ; pour les autres, voir la remarque « a » ci-dessous) : Dr Zug ìsch ààkumma (Le train est arrivé), à l'infinitif (sans z’ ; pour ce qui se passe quand il faut z’, voir remarque « b » ci-dessous) : Mìr känna üsstiiga (Nous pouvons descendre [du train]), et dans des subordonnés : d Màdàm, wu üs’m Gschaft üssakummt (la dame qui sort du magasin). Mais cette belle unicité disparaît dans les indépendantes et principales, du moins aux « modes » et « temps » concernés (voir 2.1.1.1. ci-dessus), puisque le préverbe tonique se loge à la fin tandis que le radical et sa désinence sont en seconde (ou première) position : D Màdàm kummt üs’m Gschaft üssa (La dame sort du magasin).

 

Remarques :

a)       Les nombreux verbes qui peuvent prendre l’augment g- au participe passé (voir leçon 49, N.1) gardent cet augment collé au radical de base : lüega (regarder) / glüegt (regardé) – züelüega (regarder faire) / züeglüegt (regardé faire). L’augment se trouve donc intercalé entre le préfixe tonique et le radical.

b)      De même, la préposition z’ s’insère entre le préfixe tonique et le radical du verbe de base : fer z’lüega (pour regarder) / fer züe-z’lüega (pour regarder faire) (voir leçon 46, note 9).

 

 

2.1.1.3         Les temps simples

 des verbes sont le présent de l'indicatif, l'impératif, le subjonctif et le conditionnel simple d'un nombre réduit de verbes (voir leçon 42, N.1).

 

 

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2.1.1.3.1        L'indicatif présent

 se forme à l'aide de suffixes grammaticaux. Ainsi, pour màcha (faire) :

 

singulier

pluriel

1e personne

 

ìch màch_
(je fais)

mìr màcha
(nous faisons)

2e personne

 

màchsch
(tu fais)

ìhr màcha
(vous faites)

3e personne

masculin

ar màcht
(il fait)

sa màcha
(ils / elles font)

 

féminin

sa màcht

(elle fait)

 

 

neutre

as màcht
(ça fait)

 

 

 

(Pour des verbes moins réguliers, voir leçon 14, N.2, leçon 21, N.3 et N.4, leçon 63, N.1, et leçon 77, N.1).

 

Remarque : On constate que les désinences du singulier sont consonantiques, celle du pluriel vocalique (voir leçon 42, N.1a). Cela explique qu'un certain nombre de verbes ont une voyelle brève au singulier et une voyelle longue au pluriel, parfois avec une différence de timbre entre les deux : ìch hébb (je tiens), mìr hewa (nous tenons) (voir leçon 42, N.1b et leçon 52, note 9).

 

 

2.1.1.3.2        Pour donner un ordre

 ou formuler une demande, on ne peut que s'adresser à un interlocuteur. Voilà pourquoi l'impératif ne concerne que la deuxième personne du singulier et celle du pluriel. A quoi il faut ajouter les trois formes de politesse de l'alsacien. Soit pour le verbe kumma (venir) :

 

singulier

pluriel

 

politesse

kumm
(viens !)

kumma
(venez !)

à la française

kumma
(venez !)

 

 

à l’allemande

kumma Sa
(venez !)

 

 

à l’italienne

kummt Sa
(venez !)

 

 

 

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2.1.1.3.3        Le subjonctif

 alsacien, - dont le rôle est totalement différent de celui du français - ne s'emploie que pour rapporter les paroles d’autrui (discours indirect) et ne concerne que deux verbes en tout, hàà (avoir) et sìì (être), du moins comme temps simple, car ces deux verbes servent également d’auxiliaires du subjonctif passé à tous les autres verbes (voir leçon 77, N.4 et N.5). Pour le reste, c’est le conditionnel – et notamment tat… (ferais…), conditionnel du verbe tüe (faire) – qui y supplée (voir leçon 77, N.6).

 

 

2.1.1.3.4        Un conditionnel

simple existe pour les mêmes verbes hàà (avoir) et sìì (être) (voir leçon 77, N.6), ainsi que pour les verbes de modalité (voir leçon 63, N.1d) et le verbe tüe (faire). Le conditionnel de ce dernier - tat, tatsch, tat, tata (ferais …) - sert même d’auxiliaire du conditionnel et du subjonctif présent à tous les autres verbes.

 

2.1.2        Les éléments verbaux complexes

 sont de loin les plus nombreux ; ce sont soit les modes et temps composés (voir leçon 42, N.1), soit les emplois mettant en œuvre les verbes de modalité, soit enfin d'autres formations plus complexes encore.

Pour les voix (actif et passif), modes (indicatif, subjonctif, conditionnel) et temps (futur, passé) composés, nous distinguerons :

 

2.1.2.1         Le passé composé,

 correspondant à la fois à l'imparfait, au passé simple et au passé composé français et constitué du présent soit de hàà (avoir), soit de sìì (être) – employé l'un ou l'autre comme auxiliaire du passé (voir leçon 14, N.2, et leçon 42, N.2) - et du participe passé du verbe conjugué (voir leçon 49, N.1).

 

2.1.2.2         Le plus-que-parfait

 - plutôt rare, mais possible - formé de l’auxiliaire, lui-même au passé composé, et du participe passé du verbe concerné :

 

a)       avec l’auxiliaire hàà (avoir) :

-          présent : Mìr sàga nichs. (Nous ne disons rien.)

-          passé composé : Mìr han nichs gsait. (Nous n’avons rien dit.)

-          plus-que-parfait : Mìr han nichs gsait ghàà. (Nous n’avions rien dit.)

 

 

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a)       avec l’auxiliaire sìì (être) :

-          présent : Mìr bliiwa do. (Nous restons ici.)

-          passé composé : Mìr sìn do blìewa. (Nous sommes resté(e)s ici.)

-          plus-que-parfait : Mìr sìn do blìewa gsìì. (Nous étions resté(e)s ici.)

 

 

2.1.2.3         Le futur

 grammatical - souvent emphatique - introduit par le présent de wara (devenir), qui joue ici le rôle d’auxiliaire du futur et est lui-même suivi de l'infinitif du verbe conjugué (voir leçon 42, N.1b et leçon 54, note 9).

 

2.1.2.4         Le passif,

 formé, lui aussi, de l’auxiliaire wara (devenir), mais avec le participe passé du verbe conjugué (voir leçon 28, N.5, et leçon 70, N.2).

 

2.1.2.5         Les verbes de modalité

 - plus précisément därfa (être autorisé à), känna (pouvoir), meega (aimer bien), müeßa (être obligé de), solla (devoir) et wälla (vouloir) - sont très fréquemment utilisés pour introduire un autre verbe à l'infinitif, sans aucune espèce de préposition établissant le lien entre les deux (voir leçon 63, N.1).

 

2.1.2.6         Les autres formations complexes

 mettent le plus souvent en œuvre « deux verbes qui se suivent et dont le second est à l'infinitif » - comme le dit si bien la plus célèbre des règles de l'orthographe française - tandis que le premier est à un mode personnel.

 

2.1.2.6.1        C’est le cas de brüücha

 (avoir besoin de) et halfa (aider), dont le comportement est proche de celui des verbes de modalité, puisqu'ils introduisent volontiers un autre verbe sans que cet infinitif-là ne soit précédé d'aucune préposition : Da brüüchsch nit sàga (Tu n'as rien besoin de dire), Àwer hìlf mìr, s Ménage màcha (Mais aide-moi [à] faire le ménage). C'est vrai aussi pour lossa ou lo (laisser), (voir leçon 66, note 6).

 

2.1.2.6.2        D'autres verbes nécessitent la préposition z’,

 pour : Vergìss nìt, Brot mìt-z’brìnga! (N'oublie pas de rapporter du pain !) (voir ci-dessus 2.1.1.2.2; remarque b).

 

 

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2.1.2.6.3        Seul le verbe geh demande ge

 en lieu et place de z’ : Sa gehn àlla Tàg ge schàffa. (Ils vont travailler tous les jours.) (Pour Tàg, singulier mis pour un pluriel, voir leçon 25, note 4).

 

2.1.2.6.4        Et le verbe kumma,

 venir, emploie ku : Kumm gschnall ku lüega! (Viens vite voir (regarder) !) Parfois, on utilise ge même avec le verbe kumma ; c'est le cas lorsque ce que l'on va faire doit se passer ailleurs : Kummsch mìt-mer ge ikàuifa? (Viens-tu avec moi faire des achats ?).

 

2.1.2.6.5        Le verbe gheera

 a plusieurs significations suivant ce qui le suit :

-          appartenir, quand Il est suivi d'un pronom au datif ou d'un groupe nominal introduit par ìn + datif : Dàs Büech gheert mìr / ìn mim Pàpa (Ce livre [m’]appartient à moi / à mon père).

-          devoir être…, quand il est suivi d’un verbe au participe passé (à sens passif) : Dr Motor gheert gregelt (Le moteur doit être réglé).

-          avoir sa place, avec un adverbe ou un complément directionnel : D Warkzigkìschta gheert därt’àna / ìn dr Kaller (La caisse à outils doit être [rangée] là-bas / à la cave). Ceci n'est apparemment qu'une variante elliptique de l'emploi précédent : l'indication de la direction se suffisant à elle-même, on omet d'exprimer le verbe au participe, brocht (apporté), gstellt (posé) ou autre.

 

2.2        Les éléments non verbaux

 du groupe verbal. Pour que phrase il y ait, il suffit de mettre en relation un groupe nominal sujet – fût-il réduit à un simple pronom - est un groupe verbal - même consistant en un tout petit verbe simple : Sa labt (Elle vit). Bien entendu, on peut enrichir l'un et l'autre des deux éléments. Le premier en ayant recours à des articles, adjectifs, noms, compléments du nom et autres propositions relatives (voir ci-dessus de 1. à 1.6.5). Le second en lui ajoutant des adverbes, des attributs, des compléments d'objet, des compléments circonstanciels et même des propositions subordonnées. Voici :

 

 

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2.2.1        Les adverbes

 sont très pratiques, car non seulement ils sont relativement courts et totalement invariables, mais encore ils sont capables d'exprimer toutes sortes de nuances. À vrai dire, ils font davantage partie du lexique que de la grammaire, puisqu'il ne se déclinent point ni ne se conjuguent. Mais comment les ignorer ici, alors que nous nous penchons sur les différents constituants de la phrase en général et du groupe verbal en particulier ?

 

2.2.1.1         Les adverbes de manière

 sont au groupe verbal ce que les adjectifs qualificatifs sont au groupe nominal. Beaucoup de mots peuvent d'ailleurs remplir l'une et l'autre fonction, comme nous l'avons signalé plus haut (voir 1.3.2.1.2), y compris au comparatif. Quant au superlatif adverbial, il est introduit par àm, équivalent de « le » français : S Maria sìngt àm scheenschta (Marie chante le mieux, mot à mot : au plus bellement) (voir ci-dessus 1.3.1.3.4). Outre scheen, güet et natt (trois manières de dire bien), on a ainsi schnall (vite), làngsàm (lentement), tiaf (profondément), tiir (chèrement), lütt (fort, au plan sonore), strang (sévèrement), liab (aimablement) et tant d’autres encore.

 

2.2.1.2         Les adverbes de lieu

 permettent de situer dans l'espace l'action d'une phrase ou l'état décrit par elle : do (ici), därta (là-bas), owa (en haut), unta (en bas), dìnna (à l’intérieur), dussa (à l’extérieur), hìnta (à l’arrière), vorna (à l’avant), dheima (à la maison, au sens statique), etc. ainsi que les adverbes démonstratifs de lieu (voir leçon 28, N.3, et leçon 56, N.2).

 

2.2.1.3         Les adverbes de direction

 indiquent vers où se dirige un mouvement décrit par la phrase : do àna (vers ici), därtàna (vers là-bas), uffa (vers en haut), àwa (vers en bas), inna (vers dedans), üssa (vers dehors), heima (à la maison, au sens dynamique de direction), etc. (voir leçon 21, N.5, et leçon 56, N.3).

 

2.2.1.4         Les adverbes de temps

 situent l'action, l'évènement où l'état dans le temps : hìtta (aujourd’hui), geschtert (hier), morna (demain), ìwermorna (après-demain), vorhar (auparavant), vorig (tout à l'heure), nochhar (ensuite), glich (tout de suite), sofort (immédiatement), boll (bientôt), nia (ne … jamais), àllawil (ou ìmmer) (toujours)…

 

 

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2.2.1.5         Les adverbes de quantité

 vont de la mesure à la démesure : wenig (peu), a Bìtzala (un tout petit peu), a Bìtzi (un peu), viel (beaucoup), meh (davantage), a Hüffa (un tas de)...

 

2.2.1.6         Les adverbes d'intensité :

 fescht (solidement, fortement), zìmlig (assez), sehr (très), küüm (à peine)…

 

2.2.1.7         Les adverbes modalisateurs

 nuancent le degré de certitude ou d’incertitude d'une assertion (sa « valeur de vérité ») : vìllìcht (peut-être), schiints (à ce qu’il paraît), wohrschints (probablement), sìcher (sûrement), nìt (ne … pas), doch (tout de même)…

 

2.2.1.8         Les adverbes appréciatifs

 expriment un « jugement de valeur » à propos de ce que dit la phrase : leider (malheureusement), hoffentlig (espérons-le), glìckligerwiis (heureusement), hàlt (puisqu’il le faut)…

 

2.2.1.9         La place des adverbes

 dans la phrase : Des adverbes, il en existe tant et tant ; le tout est de les faire entrer dans une catégorie logique, comme nous nous sommes efforcés de le faire ci-dessus. Quant à leur place, elle dépend surtout de leur lien avec le verbe.

 

2.2.1.9.1        Nous en avons que leur sens

 unit tellement au verbe qu'ils sont assimilables à un préverbe (préfixe) tonique. Il est naturel que ceux-là se retrouvent le plus souvent en fin de proposition : Dr Suhn brìngt s Brot heima (Le fils apporte le pain à la maison).

 

2.2.1.9.2        D'autres servent à

 exprimer une simple circonstance et peuvent donc aisément se trouver en tête de phrase pour « planter le décor » : Dussa brialt a Küeh (Dehors, une vache mugit), Mona morga ìsch wìder Schüela (Demain matin, il y aura de nouveau classe).

 

 

2.2.2        Les attributs

 sont exigés par les verbes dits « d'état » (ou « copules ») sìì (être), bliiwa (rester), wara (devenir), schiina (sembler), etc. Ce sont des adjectifs - parfois difficiles à distinguer des adverbes (voir 1.3.2.1.2) – mais aussi des groupes nominaux et même des pronoms.

 

 

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2.2.2.1         L'adjectif attribut

 a été décrit plus haut, à propos des emplois de l’adjectif (voir 1.3.2.1). Ajoutons simplement qu'il a tendance à se placer en fin de proposition. Quand il occupe la première place, il est fortement accentué, car il s'agit alors d'une réelle insistance (emphase, voir leçon 37, note 3).

 

2.2.2.2         Le groupe nominal attribut

 est au nominatif, car ce qu'il désigne est identifié au sujet : Dr Jean-Paul ìsch / wìrd / blibbt unser Facteur (Jean-Paul est / devient / reste notre facteur).

 

2.2.2.3         Les pronoms attributs

 s'emploient surtout après dàs (ceci), et sall (cela), pronoms démonstratifs neutres sujets : Dàs ìsch miner (C'est le mien). Avec les pronoms personnels, la chose se corse, car le verbe s'accorde avec le pronom personnel attribut :

-          Pronoms toniques :

Dàs bìn ìch (C’est moi),

Dàs bìsch (C’est toi),

Dàs ìsch ar (C’est lui),

Dàs ìsch sìe (C’est elle),

Dàs ìsch as (C’est elle, neutre),

Dàs sìn mìr (C’est nous),

Dàs sìn Ìhr (C’est vous),

Dàs sìn sìe (Ce sont [!] eux).

 

-          Pronoms atones :

Dàs bìn i (C’est moi),

Dàs bìsch (C’est toi),

Dàs ìsch na (C’est lui),

Dàs ìsch sa (C’est elle),

Dàs ìsch’s (C’est ça ou C’est elle, en cas de prénom féminin forcément neutre),

Dàs sìn m’r (C’est nous),

Dàs sìn ‘r (C’estvous),

Dàs sìn sa (Ce sont eux).

 

Remarques : En français, le verbe s'accorde également avec l’attribut, mais à la seule 3e personne du pluriel. En outre, le français ne possède pas de pronom personnel atone pouvant être attribut : vous imaginez Ce suis-je, etc. ? En alsacien, les pronoms personnels atones attributs sont de vrais enclitiques (prononcés comme s'ils faisaient partie du mot précédent). A la 2e personne du singulier, il disparaît même complètement, comme dans les questions (voir leçon 56, N.1). Enfin, à la 3e personne du masculin, c'est la forme atone de l'accusatif que l'on emploie et non celle du nominatif : nous n'avons pas trouvé d'explication à ce curieux phénomène.

 

 

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2.2.3        Les groupes nominaux compléments :

 Bien plus nombreux que les verbes copules (voir 2.2.2) sont les verbes demandant des compléments à l'accusatif, au datif ou prépositionnels.

 

2.2.3.1         Le complément à l'accusatif

 est celui demandé par les verbes dits « transitifs », souvent des verbes d'action signifiant en gros faire quelque chose. Et c'est précisément ce quelque chose qui s'exprime à l'aide d'un groupe nominal à l'accusatif.

 

2.2.3.1.1        Pour les groupes nominaux à noyau substantival

 (nom), il n'y a rien à ajouter à ce qui a déjà été exposé ci-dessus à propos du groupe nominal sujet (voir 1.1 à 1.5), puisque le nominatif et l'accusatif sont identiques. Tout au plus peut-on préciser que le groupe nominal complément d'objet tend à se situer vers la fin de la proposition, surtout lorsqu'il commence par un article indéfini. Les rares fois où il est placé en première position, il est fortement accentué sous l'effet d'une certaine emphase, tout comme l’attribut ainsi placé (voir ci-dessus 2.2.2.1).

 

2.2.3.1.2        Pour les pronoms,

 il convient de distinguer les pronoms personnels de tous les autres. Ce sont en effet les seuls à avoir un accusatif différent du nominatif (voir leçon 56, N.1). Signalons que, à l'accusatif, seuls les pronoms personnels toniques peuvent occuper la première place d'une proposition, toujours pour raison d'insistance.

 

2.2.3.2         Le complément au datif,

 complément d'objet indirect ou complément d'attribution, n'est guère usité en alsacien. On lui préfère nettement un groupe prépositionnel introduit par la préposition ìn (dans, à) (voir ci-dessous 2.2.4). Seuls les pronoms atones sont couramment utilisés au datif pur (sans préposition) : Da hàsch mìr’s gsait. (Tu me l'as dit.), Ìch hàn dìr’s gaa. (Je te l’ai donné.) (voir leçon 28, N.2, et leçon 56, N.1).

 

 

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2.2.4        Les groupes prépositionnels compléments

 sont légion. La diversité de leurs formes et de leurs significations n'a d'égale que celle des prépositions elles-mêmes.

 

2.2.4.1         Les prépositions

 sont ces petits mots que l'on place devant des groupes nominaux, pronoms compris, pour en faire des groupes prépositionnels aptes à compléter les verbes, mais également les groupes nominaux en guise de compléments du nom (voir ci-dessus 1.4.1 et leçon 35, N.2).

 

2.2.4.1.1        Les prépositions régissant l'accusatif

 sont en nombre restreint :  dur (à travers), fer (pour), gega (contre), ohna (sans), um (autour de) : Sa làuifa dur dr Gàrta (Ils / Elles traversent [marchent à travers] le jardin), Ar kààt ohna dìch nichs màcha (Il ne peut rien faire sans toi).

 

2.2.4.1.2        Les prépositions régissant le datif

 sont un peu plus nombreuses : bi (chez, près de [localisation]), mìt (avec), noh (après), sither (depuis), trotz (malgré), üs ([hors] de), vu ([venant] de), waga (à cause de), zu ou züe (tonique) (chez, près de [direction]) : Waga-n-em Raga mian mìr dheima bliiwa. (A cause de la pluie, nous devons rester à la maison.), Noh dr Àrwet han mìr frèi. (Après le travail, nous sommes [avons] libres), Kummsch morna züe m’r ? (Viendras-tu me voir demain ?).

 

Remarque : En alsacien, lorsqu’une préposition introduit un pronom personnel, elle est le plus souvent accentuée (tonique) tandis que le pronom est atone et s'appuie sur elle en véritable enclitique (voir le dernier exemple ci-dessus). En revanche, il peut arriver que ce soit l'inverse, plus rarement et uniquement pour des raisons d'insistance : Kummsch morna zu mìr ? (Est-ce moi que tu viendras voir demain ?). En cela, l'alsacien diffère du français, de l’allemand et de bien d'autres langues, qui n’accentuent jamais la préposition, mais toujours le pronom personnel qui la suit. (Vous imaginez « avec-me » ou « après-le » ?).(voir leçon 57, note 1).

 

 

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2.2.4.1.3        Les prépositions mixtes

 font appel à l'intelligence et, à cet égard, constituent un excellent test. Car ce n'est pas de façon automatique et arbitraire qu'elles demandent le datif ou l'accusatif, comme c'est le cas des autres prépositions (voir ci-dessus 2.2.4.1.1. et 2.2.4.1.2) : c'est pour bien distinguer la localisation (au datif) de la direction (à l'accusatif). Ces prépositions - à signification essentiellement spatiale - sont au nombre de neuf : àn (à), ìn (en, dans), ìwer (au-dessus de), hìnter (derrière), nawa (à côté de), uf (sur), unter (sous), vor (devant), zwìscha (entre) : Stell di Wàga zwìscha dia zwei Baim, denn zwìscha dana zwei Baim ìsch noch a Plàtz frèi (Gare (place) ta voiture entre ces deux arbres, car entre ces deux arbres, il reste (y a encore) une place libre).

 

Remarque : Mais attention ! La distinction significative des deux cas ne fonctionne que dans les emplois concrets et spatiaux de ces prépositions : au sens temporel et plus généralement « figuré », elles régissent le plus souvent le datif : Schribbsch ìn da Eltra ? (Ecris-tu à tes (aux) parents ?) (voir ci-dessus 2.2.3.2), parfois l’accusatif : Mìr wàrta uf di (Nous t’attendons).

 

2.2.4.2         Les compléments

 les plus divers peuvent ainsi être confectionnés, notamment grâce aux prépositions et aux cas qu'elles régissent. Nous avons pris le parti de les classer selon le type d'information qu'ils apportent pour enrichir la phrase, tout comme nous l'avons fait plus haut pour les adverbes (voir 2.2.1).

 

 

2.2.4.2.1        Les compléments de lieu

 sont traditionnellement subdivisés en quatre sous-groupes :

 

2.2.4.2.1.1       La localisation

 (ubi ? latin : "lieu où l'on est") a déjà été évoquée plus haut à propos des prépositions mixtes, qui régissent le datif pour la circonstance : Viel Fìsch schwìmma ìm Wàsser (Beaucoup de poissons nagent dans l’eau), Uf em Markt kàuifa mìr Gmias (Au [sur le] marché, nous achetons des légumes). Mais toute localisation ne suppose pas le datif : Ìch hàn garn a Kràwàtta um dr Hàls. (J'aime avoir une cravate autour du cou) (um exige toujours l’accusatif, voir 2.2.4.1.1).

 

 

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2.2.4.2.1.2       La direction

 (quo ? latin : "lieu où l'on va") a également déjà été largement abordée plus haut, puisqu'elle fait grand usage des prépositions mixtes, elle aussi, mais suivies de l'accusatif : Ghèi nìt ìn s Wàsser, wenn da uf dr Markt gehsch ! (Ne tombe pas dans l'eau quand tu vas au marché !). Mais, à part les prépositions mixtes, l'accusatif n'a pas l'exclusivité de la direction : Wenn gehsch zum Dokter ìn d Sprachstund ? (Quand iras-tu chez le médecin, en consultation ?), car lorsque la même préposition ne peut pas régir les deux cas, la langue s'arrange pour avoir deux prépositions différentes pour distinguer localisation et direction, par exemple bi et zu (voir 2.2.4.1.2 et leçon 38, note 3).

 

 

2.2.4.2.1.3       La provenance

 (unde ? latin : "lieu d'où l'on vient") est surtout le domaine de vu (de, origine) et de üs (de, avec idée d’extraction) : Sa kumma vum Großa Belcha, àwer sa sìn üs da Àlwa (Ils viennent du Grand Ballon, mais ils sont [originaires] des Alpes).

 

2.2.4.2.1.4       Le passage

 (qua, latin : "lieu par où l'on passe") s'exprime surtout à l'aide de dur (par, à travers), mais aussi de ìwer (par-dessus) et d'autres : Mìr fàhra liawer ìwer dr Barg às dur s Tünnel (Nous préférons passer (roulons plus volontiers) par-dessus la montagne plutôt que par le tunnel).

 

Remarque : A tout cela il faut ajouter les noms géographiques (voir leçon 21, N.6).

 

 

2.2.4.2.2        Les compléments de temps

 sont nombreux ; il convient de distinguer l'indication d'un moment plus ou moins précis et celle d'une durée.

 

2.2.4.2.2.1       L'expression du moment

 a été largement étudiée, qu'il s'agisse de la manière de dire l'heure et les grandes subdivisions de la journée (voir leçons 34 et 35, N. 1), les jours de la semaine (voir leçon 15 et 16), les mois ou les saisons (voir leçon 25). Rappelons simplement, en guise de résumé, que la préposition contractée àm introduit les jours, les heures entières, la demie et les quarts, mais que ìm se charge des mois et des saisons.

 

2.2.4.2.2.2       La durée

 peut s'exprimer sans aucune préposition : zeh Minüta (dix minutes), zwei Stund – pour ce singulier, voir leçon 25, note 4 – (deux heures), dr gànza Tàg (toute la journée). Voilà pour la durée pure sans recours à aucun repère. Mais on peut aussi se référer soit au début d'une durée, soit à sa fin, soit encore aux deux extrémités : sither em Janner (depuis janvier), sither àm Mantig (depuis lundi), bis àn Àllerheiliga (jusqu’à la Toussaint), bis ìm Wìnter (jusqu’en hiver), vum Àwrìl bis ìm Septamber (d’avril à septembre), vum Àfàng bis àn s And (du début à la fin).

 

 

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2.2.4.2.3        Les compléments de cause

 sont l'affaire de la préposition waga (à cause de) (voir leçon 13, phrase 7, et ci-dessus 2.2.4.1.2) : Leg ebbis uf dr Kopf à, waga dr Sunna (Mets quelque chose sur la tête, à cause du soleil). La préposition bi exprime parfois une relation similaire, du moins quand il s'agit de conditions météorologiques : Bi dam Watter bliiwa mìr Iiawer dheima. (Par (auprès de) ce temps, il vaut mieux que nous restions (nous restons plus volontiers) à la maison). Mais aussi àn (à, ici : de, pour une maladie) et unter (sous, ici : de, pour une souffrance morale) : Ìch liid àn Asthma un liidsch unter Liaweskummer (Je souffre d'asthme et toi, tu souffres de chagrin d'amour). Voici une expression que l'on entend souvent : Ma müeß hàlt àn ebbis starwa! (Il faut bien mourir de quelque chose !).

 

 

2.2.4.2.4        Le complément de conséquence,

 plutôt rare, s'exprime par z’ dans : Mìr han uns z’Tot glàcht. (Nous étions morts de rire (nous nous sommes ri à mort)).

 

2.2.4.2.5        Les compléments de but

 utilisent volontiers fer (pour) : Màch dàs fer dina Fàmìlia ! (Fais-le (ceci) pour ta famille !). Mais c'est surtout devant un verbe à l'infinitif que l'on trouve fer suivi de z’ :  Mìr schàffa fer Gald z’verdiana (Nous travaillons pour gagner de l’argent) (voir leçon 39, note 9). Enfin, n'oublions pas uf (sur, ici au sens de à, pour) : (Ìch trìnk) uf di Wohl ! ([Je bois] à ta santé !), qui remplace volontiers Gsundheit ! ([à ta/à votre] santé !), quand on lève un verre.

 

 

2.2.4.2.6        Les compléments de moyen

 ne sauraient se passer de mìt (avec) : Mìr baschla garn mìt dr Saga un mìt em Strüwaziager (Nous aimons bricoler avec la scie et (avec) le tournevis). Mais nous avons aussi vu l'expression toute faite vu Hànd wascha (laver à la main) (voir leçon 75, phrase 7).

 

 

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2.2.4.2.7        Les compléments de manière

 sont très proches du moyen et souvent difficile à en distinguer. Aussi n'est-il pas étonnant de retrouver mìt, ici encore : Dina Kàtz frìsst mìt güetem Àppetit. (Ton chat mange de bon appétit.).

 

2.2.4.2.8        Les compléments d'accompagnement,

 emploient mìt (avec) enfin au sens le plus concret qui soit : Wàrt a Bìtsi uf mi, ìch kumm mìt d’r ìn sall Gschaft (Attends-moi un peu (sur-me), je viens avec toi (avec-te) dans ce magasin-là).

 

2.2.4.2.9        Les compléments de concession

 sont le domaine de la préposition trotz : Trotz dina viela Fahler hàn i di doch garn (Malgré tes nombreux défauts (fautes), je t'aime quand même).

 

2.2.4.2.10    Le complément d'agent

 peut être considéré comme une sorte de complément circonstanciel, puisqu'il est éminemment facultatif dans une phrase à la voix passive. Deux prépositions se partagent ici la tâche : principalement vu (de, par), surtout pour désigner l'auteur d'une action : Dàs Büech ìsch vu mìr gschrìewa worra (Ce livre a été écrit par moi). Mais quand il s'agit d'une chose, dur (par) est assez fréquent : D Wäsch wìrd dur d Waschmàschìna süüfer gwascht (Le linge est proprement lavé par la machine à laver) (Voir leçon 70, N.3).

 

 

 

Voilà ! La mise en œuvre de tous les moyens grammaticaux décrits jusqu'à présent doit vous permettre de confectionner des phrases simples… déjà assez compliquées, en tout cas riches. Mais il y a mieux encore ! Car jusqu'à présent, nous n'avons pensé qu'en termes de proposition indépendante, phrase à un seul verbe à mode personnel. Il suffira d'y ajouter l'une ou l'autre proposition subordonnée pour qu'elle devienne automatiquement proposition principale et que l'ensemble soit une phrase complexe.

 

 

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La phrase complexe

 

3         Indépendante ou principale,

 la proposition a les mêmes caractéristiques générales :

-          Un seul verbe à mode personnel placé en seconde (ou première) position.

-          Autres éléments verbaux éventuels (infinitif, participe, préverbe tonique) à la fin.

-          Un seul élément non verbal en tête (sujet, complément circonstanciel, adverbe …).

Remarques :

-          Il arrive qu'un complément soit placé « hors construction », c'est à dire après la « fin » normale de la proposition, pour raison d'insistance (voir leçon 46, note 8).

-          Une subordonnée peut précéder la principale ; elle joue alors le rôle de premier élément de celle-ci et est immédiatement suivie du verbe à mode personnel de la principale (voir leçon 36, note 8).

 

 

4         La proposition subordonnée

 possède des spécificités (voir leçon 42, N.3) :

 

-          Un mot introducteur (subjonction, adverbe relatif, pronom ou adverbe interrogatif)

-          Un seul verbe à mode personnel placé à la fin, après un éventuel participe, souvent avant un infinitif.

Remarques :

-          Une subordonnée peut être accrochée à la fin de la principale, insérée en son milieu ou même la précéder.

-          Une subordonnée peut, en principe, avoir elle-même une autre subordonnée et ainsi de suite, mais c'est plutôt rare pour un langage exclusivement parlé.

-          Certaines « subordonnées » complément d'objet n’ont pas de mot introducteur et leur verbe est en seconde position, comme pour une indépendante, ce qui simplifie les choses.

 

 

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4.1        La proposition subordonnée relative

 a déjà été évoquée plus haut (voir 1.5) et doit être considérée comme partie intégrante d'un groupe nominal. Ne l'appelle-t-on pas « proposition adjective » ? Nous n'en traitons qu'ici parce que c'est, malgré tout, une subordonnée. Son rôle consiste à compléter l'information contenue dans un groupe nominal, nom ou pronom figurant dans la principale et appelé antécédent (mot qui veut dire « celui qui précède »).

 

4.1.1        L'antécédent

 ne fait pas partie de la relative : c'est un groupe nominal - nom avec tous ses satellites ou simple pronom - figurant dans la principale et dont la relative a pour mission de compléter l'information.

 

4.1.2        Le pronom relatif

 est le représentant de l'antécédent dans la subordonnée. À ce titre, il est censé s'accorder avec lui en genre et en nombre, mais se trouver au cas qu’exige sa fonction grammaticale dans la subordonnée (et qui est rarement la même que celle de l'antécédent dans la principale). Seulement voilà, pour nous, les choses se simplifient considérablement, car le rôle de pronom relatif est joué par wu, adverbe, donc invariable. Enfin, le plus souvent …

 

 

4.1.2.1         Le « pronom » relatif sujet

 est wu (ici : qui) quel que soit l'antécédent : Gsìehsch salla àlta Fràui, wu därtìwer d Stroß geht ? (Vois-tu cette vieille dame-là, qui traverse la rue, là-bas ?), Hunda, wu viel balla, bissa nìt ([Des] chiens qui aboient beaucoup [ne] mordent pas) (proverbe alsacien).

 

 

4.1.2.2         Le « pronom » relatif complément d'objet

 est également wu (ici : que) : S Räckla, wu da hìtta ààglégt hàsch, ìsch gàr nìt ìwel (La petite robe que tu as mise aujourd'hui [n']est pas mal du tout.), Wia heißt dàs natta Maidla, wu mìr vorhig gsah han? (Comment s'appelle cette jolie jeune fille que nous avons vue tout à l'heure ?).

 

4.1.2.3         Les (vrais) pronoms relatifs sans antécédents :

Lorsque l'antécédent est un simple démonstratif à portée générale, on l’omet très souvent, ce qui a pour effet d'échanger l’adverbe relatif wu contre de vrais pronoms relatifs, afin de préciser s'il s'agit d'une chose – wàs (que) – ou d’une personne – wer (qui). Remarque : Chose ou personne ? Et les animaux, qui, pour nous autres, ne sont ni des choses ni des humains ? Rien n'est en effet grammaticalement prévu pour eux, ce qui est, une fois de plus, révélateur de mentalités.

 

 

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-          Pour une chose : weisch dàs, wu da wìtt (Tu sais ce que tu veux) se dira plutôt : weisch, wàs da wìtt. Profitez de l'occasion pour noter l'expression courante que voici : Màch, wàs da wìtt ! (Fais [ce] que tu veux !), mais n'en abusez point, car votre autorité pourrait en souffrir !

 

-          Pour une personne : Da, wu wìll, kààt. (Celui qui veut peut) devient couramment : Wer wìll, (da) kààt ! (Qui veut, peut !) (proverbe alsacien).

 

4.1.2.4         Le pronom relatif complément prépositionnel :

Nous venons de le constater (4.1.2.3), quand on a wu, adverbe relatif invariable, rien ne permet d'exprimer la distinction entre êtres vivants et choses, donc encore moins entre genres. Il est tout aussi malaisé d'exprimer des relations demandons une préposition (avec qui …, pour qui …).

La solution consiste à ajouter à wu la préposition voulue et un pronom personnel au cas demandé. Astucieux, non ? Därta sìtzt a Mànn, wu-n-i làng mìt’m gschàfft hàn (Là-bas est assis un homme avec qui j'ai longtemps travaillé) (que j'ai longtemps travaillé avec lui)). Ìsch dàs da Büe, wu da fer na dur s Fiir giangsch ? (conditionnel de geh, voir leçon 77, N.6.1.3) (C’est lui (cela), le garçon pour qui (que pour lui) tu traverserais les flammes (passerais à travers le feu) ? ). Ce tour s'emploie surtout pour les personnes, car pour les objets, on se contente d'un adverbe démonstratif (voir leçon 28, N.3) : Wu hàsch d Bohrmàschìna ànaglégt, wu da gràd dermìt baschelt hàsch ? (Où as-tu posé la perceuse avec laquelle tu as bricolé à l'instant ?).

 

4.1.3        L'adverbe relatif de lieu :

C'est vraiment cela, le sens premier de wu : Därta, wu d Sunna ufgeht, (Là-bas, où le soleil se lève …) (l'antécédent est un adverbe). Parfois, un adverbe démonstratif vient préciser la notion de lieu : Dàs ìsch s Hüss, wu-n-i johralàng drìnna gwohnt bìn (C'est la maison où j'ai longtemps habité (là-dedans)).

 

 

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4.1.4        L'adverbe relatif de temps :

C'est encore wu ! : Sallamols, wu mìr noch jung gsìì sìn, … (À l'époque où nous étions encore jeunes …).

 

Remarque : En domaine bas-rhinois et tout particulièrement à Strasbourg, où l'influence allemande a toujours été très vive en matière linguistique, les relatives sont différentes : wu sujet ou objet devient wi et, s'il faut une préposition, on y utilise le pronom relatif der, die, dàs, que l'on accorde, évidemment, et devant lequel on n'hésite pas à mettre la préposition : Dr Mànn, mìt dèm ich gschàfft hàn. (L'homme avec qui j'ai travaillé).

 

 

4.2        Les subordonnées complétives

 sont des propositions subordonnées faisant fonction de complément d'objet (parfois même de sujet) du verbe de la proposition principale.

 

4.2.1        Leur mot introductif

 (indice de subordination) le plus fréquent la subjonction àss (que) : Ìch glàuib , àss da krànk bìsch (Je crois que tu es malade). Sa sàga, àss sa miad sìn un àss sa Hunger un Durscht han (Ils disent qu'ils sont fatigués et qu'ils ont faim et soif), Àss da mìr a Kràwàtta gschankt hàsch, màcht mìr a großa Freid. (Que tu m’aies offert une cravate me fait bien plaisir (une grande joie)). Dans cette dernière phrase, la subordonnée complétive est sujet de màcht, verbe de la principale.

 

4.2.2        Après les verbes dit « d'opinion »

 – sàga (dire), danka (penser), meina (être d'avis), glàuiwa (croire)…-, on renonce souvent à toute subjonction, et le verbe se met en seconde position, comme pour une indépendante : Ìch glàuib, hàsch a Vogel (Je crois [que] tu as un grain. (un oiseau)). Ce tour est surtout fréquent au discours indirect - quand on rapporte les paroles d’autrui - en particulier avec le verbe au subjonctif alsacien spécifique : Ar sait, ìch häig nichs gschàfft, denn ìch sèig füül (Il dit [que] je n'ai rien fait (travaillé) car je suis paresseux.) (voir leçons 38, note 9 et 77, N.5). À la réflexion, il existe un moyen de rendre, en français, la distanciation marquée par ce subjonctif-là : il suffit de traduire le verbe introducteur par « Il prétend »  ou « Selon lui ».

 

 

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4.2.3        Les subordonnées interrogatives

 sont également des complétives, puisque les questions qu'elles posent sont directement compléments du verbe froga (demander, questionner), parfois réfléchi (voir leçon 63, N.3) : sìch froga (se demander). Ici, il faut bien distinguer :

-          les interrogations dites « totales », qui mettent tout en question et attendent une réponse par ja (oui) ou nei (non) ou encore vìllìcht (peut-être), pour les Alsaciens à l’âme normande (voir leçon 21, N.2) ; la subjonction est toujours äb (si), parfois prononcé ob : Ìch frogg mi, äb’s morna kàlt wìrd (Je me demande s'il va faire (devenir) froid demain).

 

-          les interrogations dites « partielles », qui ne demande qu'un simple complément d'information : D Màma froggt, wer àss ààgrüefa hàt (Maman demande qui a téléphoné), Sa wìssa nonìt, wenn àss sa känna kumma (Ils ne savent pas encore quand ils pourront venir), Sàgg mìr doch andlig, wurum àss da hiilsch ! (Dis-moi donc enfin pourquoi tu pleures !). On remarquera que, à l'exception de äb (si), tous les mots interrogatifs sont doublés de la subjonction àss. Ne pas la mettre ferait négligent (voir leçon 38, note 2).

 

4.3        Les subordonnées circonstancielles

 permettent de préciser toutes les circonstances possibles et imaginables, tout comme le font les adverbes (voir ci-dessus 2.2.1) et les compléments circonstanciels (voir ci-dessus 2.2.4.2), mais avec une précision encore plus grande, puisque l'on dispose, ici et à chaque fois, de toute une proposition pour le faire.

 

4.3.1        Les subordonnées locales

 nous ramènent une fois de plus à wu (où) : Wu-n-i ànakumm, pràwiar i fer z’reda, wia d Litt vu därta. (Où [que] j'arrive, j'essaye de parler comme les gens de là-bas.). On peut à juste titre considérer les subordonnées locales comme des relatives dont l'antécédent n'est pas exprimé dans la principale (voir ci-dessus 4.1.2.3 et 4.1.3) : Ìweràll, wu-n-i ànakumm (Partout où j'arrive…).

 

4.3.2        Les subordonnées temporelles

 servent à « situer » dans le temps l'action exprimée par la proposition principale par rapport à un autre fait exposé dans la subordonnée et qui sert de référence. On a ainsi trois possibilités :

 

 

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4.3.2.1         La simultanéité

 des deux actions : leesch d Zittung, wahrend àss ìch s Gschìrr wasch (Tu lis le journal pendant que moi, je lave la vaisselle), Mìr schàffa so làng àss mìr känna (Nous travaillons aussi longtemps que nous [le] pouvons).

 

4.3.2.2         L'antériorité

 de l'action principale : D Sunna ìsch ufgànga, vor ebb i verwàcht bìn (Le soleil s'est levé avant que je [ne m'] éveille). A force d'avoir vor ebb (avant que), il arrive que l'on n’emploie plus que ebb tout seul dans le même sens. Il est vrai qu'une confusion avec l'interrogation indirecte totale (voir ci-dessus 4.2.3) n'est guère possible : Ìch verwàch àlla Morga, (vor) ebb dr Wecker àm hàlwer Sìewena schallt (Je [me] réveille tous [les] matins avant que le réveil [ne] sonne à six heure et demie) (voir leçon 52, note 6).

 

4.3.2.3         La postériorité

 de l'action de la principale : Nohdam àss ma-n-a Duscha gnumma hàt, léggt ma süüfra Wäsch àà (Après avoir (qu’on a) pris une douche, on met du linge propre).

 

Remarques :

-          La simultanéité, l'antériorité et la postériorité ne sont pas forcément exprimées par la subjonction, qui – comme wenn (quand, lorsque) - peut être relativement neutre à cet égard, tandis que d'autres éléments se chargent de préciser le type de relation temporelle : Wenn da heima kummsch, assa mìr z’Mittàg (Quand tu rentreras, nous déjeunerons), Wenn mìr (ou We’mìr) friahier àls Schüela ghàà han, sìn mìr luschtig gsìì (Quand parfois nous n'avions pas classe [école], jadis, nous étions joyeux).

 

-          Nous nous devons de faire une mention toute spéciale de wu - encore lui ! – temporel : (quand, lorsque), qui introduit une subordonnée dont le verbe est au passé (à la rigueur au présent dit « de narration ») et exprime un fait unique : Wu mi Pàpa ìn dr Kriag hàt müeßa (geh), hàt d gànza Fàmìlia fànga-n-à hiila (Quand mon père a dû [partir] à la guerre, toute la famille s'est mise à pleurer), Wu-n-i mi Porte-monnaie wìll üssahola, ìsch’s nìmma meh do. (Lorsque je veux prendre (sortir) mon porte-monnaie, il n'est plus là). Cette dernière phrase est au présent de narration destiné à rendre plus vif un récit par ailleurs au passé. C'est une astuce stylistique ou, en termes plus choisis, une « figure de rhétorique » (voir leçon 52, note 7).

 

 

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4.3.3        Les subordonnées causales

 répondent aux questions commençant par wurum? (pourquoi ?), et sont introduites par wial (parce que) : - Wurum bìsch aso stìll? – Wial i do ìnna doch nichs z’sàga hàn. (Pourquoi es-tu tellement silencieux[se] ? - Parce que je n'ai (de toute façon) rien à dire dans cette maison (là-dedans)). Ne pas confondre la subjonction avec le verbe vouloir : - Wurum wìtt nit ? – Ìch wìll nit, wial i nit wìll ! (- Pourquoi ne veux-tu rien ? - Je ne veux rien parce que je ne veux rien [na !]).

 

4.3.4        Les subordonnées consécutives

 commencent par àss, mais la conséquence est souvent annoncée dans la principale par aso (tellement) : Ìch war garn aso klei, àss mi niama meh gsach (conditionnel du verbe gsah). (J'aimerais être (serais volontiers) tellement petit que plus personne [ne] me voie (verrait).). Sa trìnka-n-aso viel, àss sa boll voll sìn (Ils boivent tant qu’ils seront bientôt ivres).

 

4.3.5        Les subordonnées finales

 expriment un but, une finalité, à l'aide de fer àss (pour que, afin que) – parfois àss seul, lorsque le contexte est assez univoque : Dr Goalman léggt Handschig àà, fer àss’r si d Fìnger nìt verbrennt, wenn’r d Bàlla müeß fànga oder wenn’r sa ààriart. (Le gardien de but met des gants pour ne pas se brûler (pour qu'il ne se brûle pas) les doigts lorsqu'il doit attraper le ballon où lorsqu'il le touche).

Remarques : En français, lorsque le sujet de la subordonnée désigne la même personne ou chose, etc. que celui de la principale, on doit utiliser pour suivi de l'infinitif ; en alsacien, non. Cette phrase-exemple est volontairement complexe pour finir en beauté et vous montrer de quoi vous serez dorénavant capable, vous aussi.

 

 

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4.3.6        Les subordonnées conditionnelles

 expriment la condition à laquelle le fait évoqué par la principale est censé se réaliser. La subjonction en est wenn (si) : Wenn i hìnecht dr Zitt hàn, riaf i di zwìscha niin ou zeh (ou zwìscha da Niina un da Zehna) àà (Si j'ai le (du) temps, ce soir, je t'appelle entre neuf et dix [heures] (ou entre les neuf et les dix)). L'indicatif nous montre clairement que l'éventualité est parfaitement plausible (« potentiel »). Il n'en est pas de même avec l'emploi du conditionnel présent (voir leçon 77, N.6) : Wenn i dr Zitt hatt, tat i di ààriafa (Si j'avais le temps, je t'appellerais), où la chose semble déjà bien irréalisable (« irréel du présent ») ; et encore moins avec le conditionnel passé : Wenn i dr Zitt ghàà hatt, hatt i di ààgrüefa (Si j'avais eu le temps, je t'aurais appelé[e]), véritable « irréel du passé »), où l'on ne peut plus qu’exprimer un regret pour se faire pardonner.

Remarques : L'alsacien utilise strictement le même mode et le même temps dans la principale et dans la subordonnée conditionnelle, tandis que le français emploie l’indicatif imparfait ou plus-que-parfait dans cette même subordonnée. Allez comprendre pourquoi…

Notons encore que wenn conditionnel et wenn temporel (voir ci-dessus 4.3.2.3) ne sont pas toujours faciles à distinguer, ce qui rend la traduction en français malaisée (voir leçon 36, phrases 1, 9 et 11). Cela explique sans doute que bien des Alsaciens utilisent volontiers si alors que, parfois, l'on attendrait quand ou lorsque, parce qu'il ne s'agit pas d'une condition : Si tu rentres, je t'emmène chez le coiffeur. pour Quand tu rentreras… . Il y a de nombreuses observations subtiles de ce genre à faire lorsque l'on se donne la peine de bien écouter ses compatriotes dialectophones.

 

 

4.3.7        Les subordonnées concessives

 sont chargées d’exprimer un obstacle qui devrait entraver la réalisation de ce qu'évoque la principale, sans toutefois y parvenir, un empêchement inefficace, en quelque sorte : As geht ge tànza, obwohl àss’s krànk gschrìewa-n-ìsch (Elle va danser bien qu'elle soit portée (écrite) malade), Saller Wàckes därta geht àlla Sunntig ìn d Kìrch, obwohl àss’r wìeder àn Gott noch àn dr Tèifel glàuibt (Ce voyou-là va à l'église tous les dimanches, bien qu'il ne croie ni en Dieu ni au diable).

 

 

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4.3.8        Les subordonnées comparatives

 servent à exprimer une comparaison, mais elles ne le font que rarement de façon complète et explicite ; au contraire, l'ellipse semble le plus souvent être de mise. On y emploie wia (comme) ou às (que) : Dr Suhn màcht àlles wia si Pàpa (àlles màcht) (Le fils fait tout comme son (le) père (fait tout)), Do schmeckt’s wia (‘s) àm Meer (schmeckt) (Ici, ça sent comme [ça sent] au bord de la mer). Il en va de même après un adjectif ou un adverbe au comparatif : Ìsch da Barg do heecher, gràd aso hoch oder nìt aso hoch às saller Barg därta (hoch ìsch) ? (Cette montagne-ci est-elle plus haute, exactement aussi haute ou moins haute que cette montagne-là (est haute) ?). Cette subordonnée comparative elliptique est exactement ce que, plus haut, nous avons appelé le complément du comparatif (voir 1.3.1.2.4). Voilà l'une des raisons pour lesquelles às (que) ne doit pas être considéré comme préposition, mais comme subjonction (ou conjonction de subordination) ; l'autre raison étant que às peut être suivi aussi bien d'un nominatif que d'un datif où d'un accusatif, puisque, contrairement à une préposition, il ne régit aucun cas.

 

4.3.9        Les subordonnées modales

 n'influent pas sur la « valeur de vérité »  (vrai ou faux) de la phrase. On les appelle ainsi parce qu'elles expriment le moyen ou la manière dont se passe ce qu'exprime la principale. Plutôt rares, elles commencent par ìndam àss (mot à mot : en ceci que) et correspondent en gros à ce que les grammairiens du français appellent le « gérondif » : Ma màcht güeta Àrwet, ìndam àss ma si dummelt (On ne fait pas du bon travail en se dépêchant (en ceci que l'on se dépêche)).

 

 

À présent, vous disposez de suffisamment de moyens pour pouvoir vous exprimer en alsacien. Bien entendu, cette petite grammaire n'est pas plus exhaustive que ne l’est le vocabulaire contenu dans les lexiques de cet ouvrage. Il y faudrait des centaines et des centaines de pages. A vous d'enrichir encore vos connaissances en écoutant sans cesse ce qui se dit en alsacien autour de vous. Ce faisant, faites comme l'auteur de cette méthode : prêtez davantage l'oreille à la manière dont les personnes s’expriment qu’à ce qu'elles disent ; car c'est bien plus intéressant.

 

 

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1.    Un groupe nominal

1.1        Les noms

1.1.1        Les noms propres

1.1.1.1         Les noms propres de personnes, animaux, œuvres,

1.1.1.2         Les noms propres géographiques –

1.1.2        Les noms communs

1.1.2.1         Le genre

1.1.2.2         Par nombre,

1.1.2.3         Le cas

1.1.2.4         Les noms composés

1.1.2.5         Les noms dérivés

1.1.2.6         Les noms issus de substantivations :

1.1.2.6.1        Les noms d'origine verbale

1.1.2.6.1.1       Les infinitifs substantivés

1.1.2.6.1.2       Les participes substantivés

1.1.2.6.2        Les noms d'origine adjectivale

1.2        L'article et les autres déterminants

1.2.1        L'article

1.2.1.1         L'article indéfini

1.2.1.2         L’article défini

1.2.1.3         Les rôles de l'article :

1.2.2        Les déterminants

1.2.2.1         Les adjectifs démonstratifs,

1.2.2.2         Les adjectifs possessifs,

1.2.2.3         Les adjectifs interrogatifs,

1.2.2.4         Les adjectifs de quantité

1.2.2.4.1        Les adjectifs de quantité imprécis,

1.2.2.4.2        Les adjectifs de quantité précis

1.2.2.4.2.1       Les adjectifs numéraux cardinaux,

1.2.2.4.2.2       L’article négatif – atone

1.3        L’adjectif qualificatif

1.3.1        Les degrés

1.3.1.1         Le positif

1.3.1.2         Le comparatif

1.3.1.2.1        Le comparatif d'égalité

1.3.1.2.2        Le comparatif de supériorité

1.3.1.2.3        Le comparatif d'infériorité

1.3.1.2.4        Le complément du comparatif

1.3.1.3         Le superlatif

1.3.1.3.1        Le superlatif absolu

1.3.1.3.2        Il existe un « superlatif lexical »,

1.3.1.3.3        Le superlatif relatif

1.3.1.3.4        Le superlatif adverbial

1.3.1.3.5        Le complément du superlatif relatif

1.3.2        Les fonctions de l’adjectif

1.3.2.1         L’adjectif attribut

1.3.2.1.1        La place de l’attribut

1.3.2.1.2        La forme de l’attribut

1.3.2.2         L’adjectif épithète

1.3.2.2.1        Sa place

1.3.2.2.2        La forme

1.4        Le complément du nom

1.4.1        Les êtres inanimés :

1.4.2        Les êtres animés :

1.5        La proposition subordonnée relative

1.6        Les pronoms

1.6.1        Les pronoms personnels

1.6.2        Les pronoms démonstratifs

1.6.3        Les pronoms possessifs

1.6.4        Les pronoms interrogatifs

1.6.5        Les pronoms indéfinis

2         Un groupe verbal

2.1        Les éléments verbaux

2.1.1        Les éléments verbaux simples

2.1.1.1         Les verbes simples

2.1.1.2         Les verbes à préfixes

2.1.1.2.1        Les préfixes atones

2.1.1.2.2        les préfixes toniques

2.1.1.3         Les temps simples

2.1.1.3.1        L'indicatif présent

2.1.1.3.2        Pour donner un ordre

2.1.1.3.3        Le subjonctif

2.1.1.3.4        Un conditionnel

2.1.2        Les éléments verbaux complexes

2.1.2.1         Le passé composé,

2.1.2.2         Le plus-que-parfait

2.1.2.3         Le futur

2.1.2.4         Le passif,

2.1.2.5         Les verbes de modalité

2.1.2.6         Les autres formations complexes

2.1.2.6.1        C’est le cas de brüücha

2.1.2.6.2        D'autres verbes nécessitent la préposition z’,

2.1.2.6.3        Seul le verbe geh demande ge

2.1.2.6.4        Et le verbe kumma,

2.1.2.6.5        Le verbe gheera

2.2        Les éléments non verbaux

2.2.1        Les adverbes

2.2.1.1         Les adverbes de manière

2.2.1.2         Les adverbes de lieu

2.2.1.3         Les adverbes de direction

2.2.1.4         Les adverbes de temps

2.2.1.5         Les adverbes de quantité

2.2.1.6         Les adverbes d'intensité :

2.2.1.7         Les adverbes modalisateurs

2.2.1.8         Les adverbes appréciatifs

2.2.1.9         La place des adverbes

2.2.1.9.1        Nous en avons que leur sens

2.2.1.9.2        D'autres servent à

2.2.2        Les attributs

2.2.2.1         L'adjectif attribut

2.2.2.2         Le groupe nominal attribut

2.2.2.3         Les pronoms attributs

2.2.3        Les groupes nominaux compléments :

2.2.3.1         Le complément à l'accusatif

2.2.3.1.1        Pour les groupes nominaux à noyau substantival

2.2.3.1.2        Pour les pronoms,

2.2.3.2         Le complément au datif,

2.2.4        Les groupes prépositionnels compléments

2.2.4.1         Les prépositions

2.2.4.1.1        Les prépositions régissant l'accusatif

2.2.4.1.2        Les prépositions régissant le datif

2.2.4.1.3        Les prépositions mixtes

2.2.4.2         Les compléments

2.2.4.2.1        Les compléments de lieu

2.2.4.2.1.1       La localisation

2.2.4.2.1.2       La direction

2.2.4.2.1.3       La provenance

2.2.4.2.1.4       Le passage

2.2.4.2.2        Les compléments de temps

2.2.4.2.2.1       L'expression du moment

2.2.4.2.2.2       La durée

2.2.4.2.3        Les compléments de cause

2.2.4.2.4        Le complément de conséquence,

2.2.4.2.5        Les compléments de but

2.2.4.2.6        Les compléments de moyen

2.2.4.2.7        Les compléments de manière

2.2.4.2.8        Les compléments d'accompagnement,

2.2.4.2.9        Les compléments de concession

2.2.4.2.10    Le complément d'agent

3         Indépendante ou principale,

4         La proposition subordonnée

4.1        La proposition subordonnée relative

4.1.1        L'antécédent

4.1.2        Le pronom relatif

4.1.2.1         Le « pronom » relatif sujet

4.1.2.2         Le « pronom » relatif complément d'objet

4.1.2.3         Les (vrais) pronoms relatifs sans antécédents :

4.1.2.4         Le pronom relatif complément prépositionnel :

4.1.3        L'adverbe relatif de lieu :

4.1.4        L'adverbe relatif de temps :

4.2        Les subordonnées complétives

4.2.1        Leur mot introductif

4.2.2        Après les verbes dit « d'opinion »

4.2.3        Les subordonnées interrogatives

4.3        Les subordonnées circonstancielles

4.3.1        Les subordonnées locales

4.3.2        Les subordonnées temporelles

4.3.2.1         La simultanéité

4.3.2.2         L'antériorité

4.3.2.3         La postériorité

4.3.3        Les subordonnées causales

4.3.4        Les subordonnées consécutives

4.3.5        Les subordonnées finales

4.3.6        Les subordonnées conditionnelles

4.3.7        Les subordonnées concessives

4.3.8        Les subordonnées comparatives

4.3.9        Les subordonnées modales